Un article paru dans lavanguardia.es écrit par  Pilar Rahola, femme politique à la plume acérée quand il s'agit de défendre les animaux

Merci à Danielle qui a bien voulu traduire cet article pour le blog

UN ANIMAL APPELE HOMME

A quel moment un homme cesse-t-il d'être un être sensible pour se dissoudre au sein d'une masse informe de sauvages ?

Par Pilar RAHOLA

 L'Académie Royale définit ainsi le mot « sauvage » : « se dit d'un animal non domestique, et généralement d'un animal féroce ». Question facile : dans le cas du Toro de la Vega, que l'on fait courir à le rendre fou pendant que des dizaines de gens armés de lances le poursuivent dans la montagne, le frappent brutalement jusqu'à la mort, et font de ce manège une grande fête, qui correspond à la définition ? Naturellement, cela ne saurait être le pauvre taureau, animal pacifique dont la première réaction en cas de conflit n'est jamais d'attaquer mais de fuir, et qui peut souffrir exactement comme un être humain. Non. Sans aucun doute, en plein 21°siècle, alors que nous savons déjà que nous, humains, dominons le monde, que nous démontrons une voracité implacable qui est en train d'épuiser les ressources de la planète, que la grandeur de notre passage sur terre ne consiste pas à faire preuve de brutalité mais à respecter la vie, alors que nous savons bien tout cela, ce qui se passe à Tordesillas ne peut être qualifié que de sauvagerie pure et simple.

 Année après année, avec chaque homme qui enfourche un cheval pour tenter de donner le coup le plus violent, avec chaque taureau transpercé à mort, avec chaque citoyen qui applaudit à cette    cruelle torture, Tordesillas se transforme en métaphore de l'animal sauvage que l'homme porte en lui. Toute tentative visant à justifier cette bestialité inutile en se référant à la tradition ne fait qu'enfoncer encore plus ce peuple dans un état primitif. Si j'avais devant moi une seule de ces brutes qui montent sur un cheval, chargés de leur testostérone primitive, tout excités par l'odeur de la mort, peut-être serais-je même incapable de lui poser une question. Avez-vous seulement regardé les yeux du taureau que vous voulez percer de vos lances en une longue agonie, jusqu'à ce que son corps n'en puisse plus, brisé par vos coups ? Vous souvenez-vous que quelque part dans votre mémoire vous avez un jour appris le sens du mot « charité » ? Pouvez-vous caresser vos enfants et les regarder tendrement, embrasser votre femme, saluer vos amis, leur payer une tournée, commenter un match de football et devenir un être humain après avoir joui d'être un barbare ? Et à quel moment avez-vous décidé d'abandonner votre condition humaine ? A quel moment un homme cesse-t-il d'être un être sensible pour se perdre dans une masse informe de sauvages ? Le regard du taureau … pas un de ces fiers-à-bras ne le supporterait une seule seconde . Car le courage ne se trouve jamais sur le territoire de la cruauté, mais sur le terrain bien plus subtil – et plus mystérieux pour certains- de la sensibilité.

 Il découle de tout cela que ces types de Tordesillas sont une bande de lâches qui chevauchent une tradition infernale. Il n'y a ni honneur, ni respect de la tradition, il n'y a rien dans la torture. Il n'y a que l'homme seul, face à sa propre misère, devenu une grimace, réduit à la bestialité par sa méchanceté-même, revenu au temps de l'Obscurantisme.

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