Le soleil commence à monter tout doucement nous faisant sentir peu à peu sa chaleur, ce que l'on apprécie car il fait froid dans ce chenil obscur. Je regarde mes compagnons, ils sont couchés, recroquevillés les uns sur les autres et essayant de se donner un peu de chaleur sur ce sol si froid. Nous sommes fatigués, endoloris et affamés, la nourriture n'étant pas quelque chose qui abonde par ici. J'écoute le bruit au loin, ils arrivent. Turba aussi les a entendus et commence à trembler, elle est terrorisée, elle a peur d'eux, très peur et ça ne m'étonne pas vu comme ils nous traitent. Ca y est, ils sont là, il faut aller travailler, il faut qu'on se gagne notre crouton de pain, ils nous embarquent dans des remorques, entassés et nous amènent dans la campagne, une fois là ils nous lachent, j'essaie d'étirer mes membres engourdis, j'ai mal, je n'ai pas encore récupéré de la dernière fois, j'ai trébuché, je suis tombé en roulant et me suis fait mal, mais si je ne commence pas à courir, ce qu'ils me feront risque de me faire plus mal encore. Je vois un lièvre au loin et commence à le poursuivre, mais je suis fatigué, tout me fait mal et je n'arrive pas à l'approcher, j'en vois un autre et j'essaie encore une fois de toutes mes forces, mais je ne peux pas. J'écoute comme ils me crient dessus, mon maître est furieux contre moi et me maudit -"celui-là ne sert plus à rien, il ne rentrera pas"- Il s'approche de moi et je commence à trembler "putain de chien!!!" et là je me prépare car je sais ce qui va tomber, je ferme les yeux, je recule un peu et j'attends le coup de pied, la douleur mais il ne viendra pas ce coup, je note juste qu'il m'attrappe par le collier, me tire et me hisse dans la remorque avec le reste de mes compagnons. Bon, je m'en sors pour aujourd'hui.
La voiture démarre et nous nous mettons en route, au bout d'un moment il s'arrête, on est arrivé, c'est ce que je pensais. On ouvre la porte de la remorque et ils me tirent juste moi à l'extérieur. Je ne reconnais pas l'endroit, je ne sais pas où je suis. Mon maître s'approche d'une maison, sur le côté je peux voir une paire de chenils pleins de chiens. - Je t'amène celui-là, je pensais qu'il serait bon, sa lignée était la meilleure, mais y'a rien à tirer de ce batard" - "Laisse le avec les autres et je me charge de lui" - " La semaine prochaine j'ai une chienne qui doit faire des chiots, je t'en porterai un et on sera quite". Mon maître m'a donné à un autre, qui sait peut-être ma vie ici sera meilleure, qui sait la chance est avec moi. Ils m'amènent dans un des chenils, j'y reconnais certains chiens, nous avons chassé ensemble plus d'une fois. Je cherche de l'eau et de la nourriture, je suis affamé et mort de soif, mais ici y'a rien de tout ça, alors je me couche, au moins je pourrai me reposer.
La nuit est en train de tomber et mon nouveau maître s'approche du chenil, enfin, ils vont nous donner à manger mais non, il nous fait tous sortir. Bon, une promenade, l'occasion pour moi d'étirer mes pattes mais c'est vers une remorque qu'il nous dirige, bizarre, je n'ai jamais chassé de nuit. Le véhicule s'arrête et il nous fait tous descendre, il nous enlève à chacun notre collier et nous attache tout autour de la remorque avec des cordes très dures qui nous rentrent dans le cou.
Il prend un de mes compagnons et l'amènera jusqu'à un arbre tout proche, les phares du véhicule éclairant la scène, il attachera la corde à une branche et je le vois rester pendu, se contorsionnant et gémissant. On se met tous à trembler, certains rampent au sol terrorisés pendant que d'autres essaient de se détacher de la remorque. Petit à petit il les amènera tous pour leur faire tous la même chose, c'est horrible.
Alors il s'approche de moi, j'essaie de résister mais la corde pénètre mon cou, nous allons vers l'arbre où il me pendra à côté d'un autre chien qui n'arrête pas de gémir et de se contorsionner, le cou me fait mal et j'ai du mal à respirer, j'essaie d'aboyer, mais je n'y arrive pas, j'arrive juste à gémir, je me contorsionne, j'ai chaque fois plus mal, ça me brûle, j'essaie de me libérer mais je n'y arrive pas, je tente de respirer mais je ne peux pas, je suis maintenant quasiment sans force, je ne peux plus bouger, le reste de mes compagnons ont fini par rester immobiles peu à peu, entre gémissements et râlements, certains ont pissé et chié pendant leur agonie, je sens le sol humide sous mes pattes.
Je finis par ouvrir les yeux, je ne sais plus quand j'ai perdu conscience mais il fait jour maintenant, il fait chaud, très chaud, je sue et je meurs de soif, je tente de bouger mais la douleur dans le cou me transperce et je retombe en léthargie. Tout d'un coup comme dans un rêve j'entends une voix - "pour ceux là c'est fini"- la sentence et peu après j'entends un craquement sourd, mon cou ne tire plus et je tombe sur le sol. Je n'ai même pas tenté de bouger ni d'ouvrir les yeux, je ne peux pas. Au bout d'un certain temps j'arrive à me réveiller, je ne sais pas au bout de combien de temps mais il fait jour et je note que le soleil commence à décliner et je commence à sentir le froid, le sol est humide, très humide sous moi et ça pue la pisse, la merde et la mort. J'essais de bouger mais mes pattes ne répondent pas, je veux juste me reposer. Quand je finirai par sortir de ma léthargie c'est pour voir que le soleil brille dans le ciel, il fait si chaud et j'ai si soif, l'odeur de putréfaction et chaque fois plus forte et moi, je retente de me bouger de là
Si tu peux lire ça c'est parce que je suis arrivé à me lever et à me rendre jusqu'au village le plus proche. Je suis resté là plusieurs jours à déambuler, croisant des gens qui même si ils passaient à côté de moi ne me voyaient pas, juqu'à ce que enfin quelqu'un me voit et cherche de l'aide.
Si tu peux lire ça c'est parce que ma vie a changé, la blessure de mon cou se cicatrise et également celle de mon âme. Je n'entends plus de cris, juste des paroles douces, je ne reçois plus de coups, je n'ai plus froid ni faim. maintenant je peux me reposer quand je le désire, maintenant chaque fois qu'une main s'approche de moi c'est pour m'offrir des caresses et les pieds ne donnent pas de coups, ils m'accompagnent dans mes promenades, tout doucement, à mon rythme, sans se presser, sans exigences.
Si tu peux lire ça tu sauras alors que je m'appelle Polo et que grâce à Marco et aux gens de galgos112 je renais à nouveau.
Texte de Gemma Martin
Traduit de l'espagnol par
Marie-Helene Verdier
Trésorière de GEE