La réaction normale d'un enfant à la vue d'un animal saignant sous les coups d'un homme est toujours au départ une réaction de rejet, de gêne, et de peur. C'est bien le moins.
Mais la forte portée émotionnelle d'une scène de torture présente aussi un risque, celui d'une effraction psychique de ce que Freud appelait le « pare-excitation ».
Le traumatisme est cependant un phénomène psychique complexe qui ne répond pas à une causalité linéaire. Les sujets impliqués dans une situation potentiellement traumatique ne seront donc pas tous traumatisés. Tout dépend de l'organisation psychique de l'enfant.
On peut cependant retenir deux choses :
- Une proportion significative de ces sujets développera des troubles ultérieurement, mais les enfants qui ne se traumatiseront pas pourront souffrir autrement (par exemple dans le cas d'un conflit de loyauté opposant un enfant à ses parents, où il lui faudra étouffer toute velléité de compassion envers une victime animale).
- Que l'enfant subisse un simple choc conscient ou un réel traumatisme, il ne pourra pas s'en ouvrir à son entourage familial : il se heurterait alors à une attitude de déni de la souffrance de la part de ses parents. (Ce qui aggrave les choses, car de pouvoir en parler rendrait le traumatisme moins opérant et moins pernicieux )
Simon Casas, directeur des arènes de Nîmes , nous en donne lui-même un bel exemple quand il affirme sérieusement que : « dans l'arène, rien ne prouve qu'il souffre » (1)
Les adultes souhaitant initier des enfants ou des adolescents au spectacle de la corrida auront eux-mêmes recours à des procédés tels que l'euphémisation, ou la négation du tort causé.
Ainsi que le rappelle Jean-Baptiste JEANGENE VILMER (2): on apprend aux enfants « que le taureau souffre à peine, que les banderilles ne font que le piquer légèrement comme le fait un vaccin pour l'homme ».
Autre chose encore contribue à faire oublier la réalité de la souffrance, c'est le rôle d'isolant que joue la terminologie espagnole. Comme le remarque Bernard LEMPERT : « le vocabulaire technico-initiatique fonctionne à l'habitude comme un exorcisme pour chasser hors des arènes toute velléité de compassion » (3)
L'enfant soucieux de préserver l'image de ses parents n'aura d'ailleurs pas d'autre choix que de dénier à son tour la barbarie dont il aura été le témoin. La psychanalyste Josette BENCHETRIT souligne aussi que « l'enfant a besoin que son parent soit idéal, pour ne pas sombrer dans la dépression. Il n'est pas encore adolescent, à l'âge des remises en cause, et a besoin d'un nid stable. Il ne peut donc pas douter que ce que font ses parents soit bien et pour son bien »